Le renouveau de l’Orient-Express
Faisant écho à l’exposition 1925-2025 Cent ans d’Art Déco au Musée des Arts décoratifs à Paris, une exposition présente, dans la grande nef du musée, la renaissance de l’Orient-Express.
L’Orient-Express incarne pour beaucoup l’âge d’or du voyage. Le premier train est parti de la gare de Strasbourg (aujourd’hui gare de l’est) à Paris le 4 octobre 1883 pour rejoindre Constantinople. Le Belge Georges Nagelmackers est le fondateur de la Compagnie internationale des wagons-lits. Aux USA, il avait été séduit par les sleeping-cars de l’Américain George Pullman. Son train, qu’il appelle Orient-Express, est alors décoré dans un style Belle Époque / Art Nouveau. Et dans les années 1920, l’Orient-Express devient Art Déco, dans l’air du temps, d’une manière très luxueuse.
Avant de présenter le nouveau train, cette exposition propose également la reconstitution d’un compartiment Lx de la Compagnie internationale des wagons-lits de 1929, avec un lit décoré par René Prou, qui crée un motif floral stylisé. Ces voitures, très luxueuses, comportaient 10 compartiments individuels. 8 d’entre eux pouvaient être reliés par paire et composer des cabines-suites. Une banquette formait le canapé pour le jour et devenait un lit la nuit, et un cabinet de toilette complétait l’aménagement. La voiture de ce compartiment faisait partie de L’Étoile du Nord, qui reliait Paris à Amsterdam.
Crédit-Photo © Kurier Kolejowy.
En 2015, à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, Arthur Mettetal, pour le compte de la SNCF, qui souhaitait faire un inventaire mondial des anciennes voitures de l’Orient-Express, a retrouvé, abandonnées sur une voie ferrée désaffectée (photo ci-dessus), 17 voitures anciennes de la Compagnie internationale des wagons-lits : 12 voitures-lits, 1 voiture-restaurant, 3 voitures-salon et 1 wagon-fourgon. Rachetées par Orient-Express, un incroyable convoi de camions a ramené ces wagons en France…
Le retour en France des wagons trouvés en Pologne… Crédit-Photo (C) Orient-Express
Pour la marque Orient-Express, dont Accor est propriétaire depuis 2022, cela a induit un changement dans son projet de relancer ce train mythique. Plutôt de de mettre en service des voitures modernes, on a décidé de restaurer ces voitures historiques en respectant le plus possible leur authenticité.
Il s’agit d’un grand projet de design industriel, qui s’inspire du train mythique des années 1920, mais qui intègre les nécessités du confort moderne (clim, wifi), et qui prend en compte l’isolation, ainsi que la lutte contre le bruit et les vibrations. Sobriété énergétique, sécurité, confort, élégance sont les maîtres-mots de ce fantastique projet.
C’est un expert passionné d’Art Déco, architecte et designer, Maxime d’Angeac, né en 1962, qui s’est vu confier ce chantier exceptionnel. Et plutôt que de copier l’Art Déco, pour le train de demain, le directeur artistique d’Orient-Express prolonge ce style, en véritable chef d’orchestre, pour faire de ce nouveau train, prévu pour 2027, un hôtel de luxe en mouvement.
Dans sa carrière il a déjà travaillé avec des maisons de prestige comme Daum, Hermès et Guerlain.
Maxime d’Angeac s’est entouré d’artistes et d’artisans experts dans leur domaine, issus de 30 corps de métier différents, pour construire une œuvre d’art de 350m de long. Ainsi, il renouvelle la figure de l’ensemblier de l’époque Art Déco, qui concevait une œuvre d’art totale, comme l’avait fait, en 1925, Jacques-Émile Ruhlmann avec son Pavillon de l’Hôtel du Collectionneur, ou bien encore Jean Dunand ou Pierre Chareau. Le projet s’inspire également de la notion du Modulor établie par Le Corbusier en 1945, dans un respect strict des proportions aux sources de la conception.
Certains panneaux de bois des anciennes voitures-lits peuvent être restaurés tandis que les décors manquants sont complètement réinventés. Maxime d’Angeac a fait appel à un ébéniste marqueteur et brodeur sur bois, Jean-Brieuc Chevalier, qui dans son atelier d’Angers (Maine-et-Loire) brode à la main des perles du Japon pour composer un panneau (300 heures de travail par cabine). Il crée d’abord un décor sur ordinateur afin de déterminer la taille et la position de ses perles, avant d’appliquer son décor sur un placage de bois, qui est percé puis brodé à la main, une véritable prouesse. Photos ci-dessous © J.-B. Chevalier / Fondation Rémy Cointreau pour la Transmission.
La voiture-bar
Pour la nouvelle table (verre, métal), le fauteuil pivotant (métal, textile) et le service à boisson destinés au futur bar de l’Orient-Express, de 2020 à 2025, Maxime d’Angeac s’est entouré d’artisans spécialisés. Dans ce nouveau train, tout est repensé, de la poignée de porte à la petite cuiller.
Les coupoles de lumière de la voiture-bar rappellent l’esprit du Second Empire. Du palissandre, du marbre, du verre, du bronze.
La voiture-restaurant
Les motifs de la voiture-restaurant s’inspirent de ceux des tapisseries de Suzanne Lalique dans les premiers trains Orient-Express, avec la technique du carton-pierre, un matériau qui imite la pierre dans des décors de murs ou plafonds. En principe, la pâte qui devient carton-pierre est composée de colle de peau, de craie, d’argile et de papier de soie bouilli. Les lampes à abat-jour revisitent les anciens modèles.
Les couloirs
Les couloirs présentent un plafond voûté et des lampes-fleurs Lalique. On marche sur une moquette graphique.
Les compartiments-voyageurs
Pour les compartiments, les parois sont revêtues de bois précieux et de cuir. Les têtes de lit sont décorées de broderies de bois insérant des perles de nacre et du bronze, par J.-B. Chevalier.
La cabine de douche et le lavabo dans un compartiment-voyageurs du futur train.
En 1928, René Lalique avait créé des panneaux décoratifs en verre pressé-moulé sur feuille d’argent pour les voitures-salon du train Côte d’Azur Pullman (le Train Bleu qui reliait Paris à Vintimille), représentant des merles et des raisins, dessinés par sa fille Suzanne. Ces panneaux récupérés dans les anciennes voitures ornent des niches dans les compartiments voyageurs.
Une affiche publicitaire du Britannique Roger Broders, connu pour ses affiches d’esprit Art Déco représentant Monaco et la Riviera. Regardez le personnage qui symbolise le point de départ et celui pour le point d’arrivée !
En 2024, Accor a établi un partenariat avec LVMH pour que la marque Orient-Express soit exploitée sous plusieurs formes : le voilier, l’hôtel et le train :
Le Voilier Orient-Express Corinthian, 220m de long, 54 suites pensées par Maxime d’Angeac, prévu pour juin 2026. Comme pour les trains, la direction culinaire a été confiée au chef étoilé Yannick Alléno.
Le premier hôtel Orient-Express, ouvert en 2025, est l’Hôtel La Minerva à Rome près du Panthéon, dans l’ancien palais Fonseca du 17e siècle, près du célèbre obélisque surmontant un éléphant, œuvre du Bernin. 93 chambres et suites. La décoration a été confiée au designer Hugo Toro, architecte d’intérieur des restaurants Gigi (Paris, Val d’Isère, Ramatuelle).
Puis, à Venise, étape historique de l’Orient Express, l’Hôtel Palazzo Donà Giovannelli a ouvert en 2025 dans un palais du 15ème siècle : 47 chambres et suites.
Les trains qui circulent déjà sont :
Le Venice-Simplon-Orient-Express entre Paris et Venise ou Istanbul, opéré par Belmond (LVMH).
Le Dolce Vita Orient-Express, inspiré des années 1960, en Italie (Accor). Lancé en 2025, il s’agit du premier train de luxe entièrement conçu en Italie, composé de 31 compartiments-voyageurs. Il propose 8 itinéraires exclusifs dans la péninsule italienne.
Le nouveau train présenté ici, le Nostalgie-Istanbul-Orient-Express, sera, en 2027, la nouvelle étape de cette renaissance, et un Ambassadeur du luxe à la française.