Quel personnage cette Béatrice de Rothschild !
Béatrice de Rothschild, autochrome au chapeau © Musée Albert Kahn, Boulogne-Billancourt. L’autochrome, inventé par Louis Lumière en 1903, est le premier procédé de photographie en couleur : pour capter et filtrer la lumière, l’inventeur a utilisé de la fécule de pomme de terre teintée pour cette fragile diapositive sur verre, qui connut un grand succès jusqu’au début des années 1930, avant d’être remplacé par des procédés chimiques sur pellicule.
Née en 1864 de Leonora de Rothschild (branche anglaise de la famille) et d’Alphonse de Rothschild (2ème génération Rothschild en France, régent de la Banque de France, un des principaux actionnaires de la Compagnie des Chemins de fer P.L.M.), Béatrice a passé sa jeunesse dans le luxe et l’art, entre l’hôtel St-Florentin, où elle est née, dans la résidence de de sa famille, Place de la Concorde à Paris (également appelé Hôtel Talleyrand, et qui fut plus tard le centre du Plan Marshall pour la reconstruction de l’Europe, toujours propriété des USA), l’immense château de son grand-père James de Rothschild à Ferrières (Seine & Marne), et la villa Rothschild de Cannes, appartenant à sa grand-mère, construite en 1881 (aujourd’hui Médiathèque Noailles). A l’âge de dix-neuf ans, elle épouse Maurice Ephrussi (1849-1916), membre d’une famille de banquiers d’Odessa (alors dans l’Empire Russe), et ami de ses parents...
Hôtel Saint-Florentin, Place de la Concorde, Paris © Eugène Durand
L’hôtel particulier où Béatrice a passé une partie de son enfance, place de la Concorde - Photo P. Borsarelli.
Château de Ferrières, Ferrières-en-Brie (Seine-et-Marne) © Wikipedia
Portrait de Béatrice jeune © The Rothschild Archive.
Séparée de son mari, elle hérite de l’immense fortune de son père Alphonse de Rothschild en 1905 et crée au cours des années suivantes une incroyable villa à Saint-Jean-Cap-Ferrat, sur sept hectares d’un terrain rocheux, dans la partie étroite de la presqu’île, qui domine d’un côté la baie de Villefranche-sur-Mer et de l’autre, la baie de Beaulieu-sur-Mer, un emplacement unique. Le terrain est dynamité et égalisé. Les travaux durent cinq années jusqu’en 1912 pour construire cette villa d’inspiration Renaissance florentine et vénitienne. Elle y installe une partie de ses importantes collections d’art, avec un goût prononcé pour le 18ème siècle.
La Villa Rothschild et ses jardins à Saint-Jean-Cap-Ferrat, depuis le Temple de l’Amour © P. Borsarelli.
Pour concevoir ce jardin à la française, depuis la loggia du 1er étage, en cheffe d’orchestre, elle dirige son personnel : certains évoluent dans des pyramides de carton vert pour trouver le bon emplacement des cyprès. Et d’autres déroulent de longues bandes de tissu gris pour définir l’emplacement des allées de gravier, de tissu vert pour les plates-bandes et argenté pour le bassin…
Plus tard, ses jardiniers devront porter un béret marin à pompon rouge, afin de lui rappeler le paquebot Ile-de-France, sur lequel elle aimait voyager, toujours en quête de nouvelles œuvres d’art …
Voici une courte vidéo montrant le départ du célèbre paquebot à New York, des images de promotion de la French Line, qui exploitait le navire…
Le jardin à la française, dont Béatrice a suivi la création depuis la loggia à l’étage de sa villa © P. Borsarelli.
Les différents jardins de la Villa Rothschild donnent sur les villas du Cap Ferrat et la Baie de Villefranche côté ouest © P. Borsarelli.
Tout autour de la villa rose, on se promène dans plusieurs jardins à thème : outre le jardin à la française et son bassin, le jardin espagnol, le jardin florentin, le jardin lapidaire, le jardin japonais, le jardin exotique, le jardin provençal et la roseraie © P. Borsarelli
Pendant une visite guidée, avec un groupe australien…
Le point de vue du guide-conférencier : cette visite est le support idéal pour expliquer comment et par qui a été créée la Côte d’Azur et le mythe qui existe encore : ces fortunes colossales qui ont fait construire de somptueuses demeures dans les plus beaux coins de la région, en particulier les trois caps, Ferrat, d’Antibes et Martin…
Béatrice de Rothschild aura peu vécu dans cette villa-musée, léguée à son décès à l’État français (Académie des Beaux-Arts - Institut de France, dont son père, grand collectionneur, était membre), avec tous ses objets, dont l’exceptionnelle collection de porcelaines de Meissen, Sèvres et Vincennes. On y a regroupé plusieurs milliers d’œuvres, avec trois autres collections que la mécène possédait dans ses autres résidences : son hôtel particulier parisien (actuellement Ambassade de l’Angola, 19, avenue Foch), et ses deux villas monégasques (Villa Rose de France et Villa Soleil). Elle repose dans le tombeau familial au cimetière du Père-Lachaise. Son neveu, Guy de Rothschild, disait d’elle : « une jeune fille un peu déchaînée, d’une invivable nervosité ».