Claude Monet à Antibes
Et mon lien avec Monet…
Avant d’évoquer mon lien avec Claude Monet et Antibes, quelques lignes sur le séjour du peintre en 1888…
Quelle chance pour Antibes d’avoir un certain nombre de lieux où le maître de l’impressionnisme a créé près de quarante tableaux superbes ! De janvier à avril 1888, Monet séjourna dans une pension de Juan les Pins, qui lui avait été recommandée par Guy de Maupassant, l’année où ce dernier écrivait son journal de croisière, « Sur l’Eau », entre Nice et Cannes à bord de son yacht « Bel-Ami ». La maison existe toujours, le Château de la Pinède, aujourd’hui privé, sur l’avenue éponyme.






On imagine Monet, alors âgé de 48 ans, se déplaçant à pied, transportant un lourd chargement : chevalet, toiles, pinceaux, brosses, tubes de couleurs, depuis la Pinède de Juan les Pins, dont il fait une série (ci-dessus), jusqu’au sentier de Tire-Poil, où il peint les rochers, la Pointe Bacon, d’où il représente Antibes devant les Alpes, le Plateau de Notre-Dame de la Garoupe, et la plage du Ponteil, pour peindre le vieil Antibes. Ébloui par la lumière méditerranéenne, comme d’autres peintres, il travaille beaucoup.
Claude Monet par Paul Nadar, 1887. Ce portrait a été fait quelques mois avant le séjour antibois de Claude Monet, par ce jeune photographe qui a suivi les pas de son père, Félix Tournachon, dit Nadar, lequel s’était rendu célèbre par ses photos aériennes de Paris prises depuis un ballon à air chaud.
Dans une lettre à Rodin, qu’il connaît bien, il écrit depuis Antibes : « Je m’escrime et lutte avec le soleil. Et quel soleil ici ! Il faudrait peindre ici avec de l’or et des pierreries, c’est admirable. »
Après la guerre de 1870, les affaires d’espionnage sont fréquentes : pour peindre les fortifications antiboises, Monet à dû demander une autorisation au Ministère de la Défense à Paris. Si Antibes a perdu son importance stratégique depuis le rattachement du Comté de Nice à la France (1860), les remparts entourent encore toute la vieille ville. D’ailleurs, la moitié des 39 toiles d’Antibes représente la vieille ville et ses remparts.
Certains jours de mistral, l’on sait par les 80 lettres envoyées d’Antibes à sa compagne Alice Hoschedé, que Monet a parfois dû attacher sa toile et son chevalet au moyen de chaînes et que ses pinceaux et sa palette se sont retrouvés couverts de sable.
Une toile à 14 millions de dollars américains…
Parmi les tableaux d’Antibes, 4 s’intitulent « Antibes vue de la Salis ». Ils ont été créés entre l’anse de la Salis et la Pointe Bacon, au Cap d’Antibes. Celui qui représente le matin très tôt, ci-dessus, est remarquable. Depuis sa création, ce tableau a connu plusieurs propriétaires, dont Florence Gould, figure bien connue de l’histoire de Juan les Pins avec son époux Frank Jay Gould, qui en fit l’acquisition en 1962. On l’a retrouvé ensuite dans une collection privée japonaise puis une autre américaine. En mai 2024, il a été vendu à un collectionneur privé pour 14 M USD, par Sotheby’s à New York. Monet atteint des sommets dans les récentes grandes ventes aux enchères : 110 millions de dollars en 2019 à New York pour une toile de la série des meules de foin à Giverny. The sky is the limit.



La composition des quatre toiles est classique : on est proche de la carte postale, à une époque où la photo est en plein essor. Les 3 premières toiles semblent montrer des effets du matin. Dans la première, la lumière de l’aube est encore faible pour éclairer les branches de l’arbre. Dans la deuxième, ci-dessus, vendue pour 13 M USD en 2021 par Sotheby’s, le feuillage commence à s’illuminer. Dans la troisième (Musée de Philadelphie, exposition Monet en pleine lumière à Monaco en 2023) le soleil est haut, et dans la dernière (Musée de Toledo, Ohio), on est dans l’après-midi avec une superbe mosaïque de couleurs !
Comme les arbres de la Pinède à Juan les Pins, on peut parler d’une suite, comme celles que Monet a réalisées après son séjour antibois en 1888, avec ses meules de foin (1890-1891), la cathédrale de Rouen (1892-1894), et Venise (1908).
« Ce que je rapporterai d’ici sera la douceur même, du blanc, du rose, du bleu, tout cela enveloppé de cet air féerique. »
Le 1er mai 1888, Monet prend le train à Antibes pour retourner à Giverny, en ayant pratiquement terminé trente-neuf toiles ! Quelques semaines après son retour à Giverny, quelques toiles sont exposées à Paris dans le but d’être vendues chez l’un de ses vendeurs, Théo van Gogh, le frère de Vincent : “Dix Marines d’Antibes de M. Claude Monet”, 19, Bd Montmartre à la Galerie Boussod, Valadon et Cie. Un vif succès.
Ses autres vendeurs sont Paul Durand-Ruel, le premier à faire connaître Monet en France et aux Etats-Unis, et son rival, Georges Petit.
L’année suivante (1889) ce sont dix-sept toiles d’Antibes qui sont exposées à Paris lors d’une expo Monet-Rodin.
Monet est de plus en plus célèbre et ses toiles se vendent bien. En 1890, il peut enfin acheter la maison de Giverny où il habite depuis 1883 avec Alice Hoschédé et leurs huit enfants à eux deux. Sa vue se dégrade mais il peindra jusqu’à la fin de ses jours.
De nos jours, nous pouvons encore voir ce que Monet a peint, ici, la Pointe Bacon, Cap d’Antibes.
S’il y a bien quelqu’un qui m’a accompagné tout au long d’une vie à étudier l’histoire de l’Art, c’est Claude Monet !
Et si j’ai pu visiter des lieux où il a vécu et travaillé, comme Giverny, Lavacourt, Vétheuil, Paris, Londres, la Norvège, Monaco, Roquebrune, Dolceacqua, Bordighera, c’est avec Antibes que ce lien est le plus fort.
En 1994, mon article sur le séjour antibois de Claude Monet à Antibes a été publié dans la Revue Municipale d’Antibes Juan les Pins.
Pour Zoom in Paris, j’ai fait une conférence en visio, pendant la pandémie de Covid, sur Monet à Antibes pour des universitaires américains, qui connaissaient bien l’œuvre de Monet et m’ont posé beaucoup de questions.
J’ai souvent guidé des clients américains férus d’art français et très réceptifs : voir de beaux paysages qui sont toujours les mêmes plus de 130 ans après le séjour de Monet leur procure toujours des émotions fortes.
Si l’obtention de la carte professionnelle de guide-conférencier demande aujourd’hui trois ans d’études, en fait, le guide étudie toute sa vie durant…




J’ai accompagné, en 2023, au Cap d’Antibes, un journaliste et son photographe pour le magazine Point de Vue, venus faire un reportage sur les lieux azuréens immortalisés par Monet. Son photographe a choisi des plans qui correspondent aux œuvres visibles à l’exposition monégasque Monet en pleine lumière sur les lieux mêmes où Monet posa son chevalet en 1888.




Pendant l’été 2023, j’ai eu le grand honneur de guider le public à travers l’exposition du Grimaldi Forum Monaco, Monet en pleine lumière, qui rassemblait une centaine de toiles de Claude Monet, dont six de sa période antiboise. Des visites-conférences d’une heure trente, jusqu’à trois par jour, un vrai bonheur !
Cette exposition a donné lieu à une importante couverture médiatique dans la presse monégasque, française et européenne, comme ici dans la Gazette Drouot, où l’auteur de l’article Christophe Averty m’a gentiment cité © revue de presse du Grimaldi Forum Monaco (2023).
De nombreuses célébrités ont visité cette exposition, et même un agent secret au service de Sa Majesté…
À chaque fois, le même plaisir de voir à quel point le public adhère à ces tableaux d’Antibes, peu connus du grand public car dispersés dans des musées américains et des collections privées.
Antibes, du 19ème au 21ème siècle…
Si le maître de l’Impressionnisme a immortalisé pour toujours Antibes dans sa beauté du 19ème siècle, contrairement aux autres lieux où il a séjourné et créé des oeuvres magnifiques, Antibes est bien le seul site important où aucune rue, aucune ruelle, aucune placette, aucun passage, aucun jardin ou jardinet ne lui rend hommage. J’en ai fait part à M. le Maire d’Antibes Juan les Pins, qui m’a répondu il y a deux ans que cette proposition serait mise à l’ordre du jour. Comme dit la chanson : Aujourd’hui peut-être, ou alors demain…
Ici, deux reproductions, près de la Pointe Bacon, au Cap d’Antibes, installées a la fin des années 1980 par le Comité Régional du Tourisme. Malheureusement, le site n’est pas mis en valeur : les panneaux sont dégradés et envahis par la végétation, et les saletés laissées par les promeneurs sans scrupules. C’est vraiment dommage, quand on imagine Claude Monet devant son chevalet devant une aussi belle vue.
« Je ne sais plus si ce que je rapporterai est bien ou mal à force de lutter avec l’admirable soleil ; […] ça va être du tendre ; ce n’est ici que du bleu, du rose et de l’or, mais quelle difficulté, bon Dieu ! »
Extrait de l’une de mes conférences : Monet à Antibes. Plus d’infos sur ce site dans Conférences
Dans mes visites guidées, l’excursion à Bordighera prévoit la visite du jardin peint par Monet en 1884. Plus d’infos sur ce site dans Visites guidées.
Une initiative privée, sur le pilier du portail d’une villa du Cap d’Antibes, Pointe Bacon, face aux paysages immortalisés par Claiude Monet…