Christian Dior

“Christian Dior, grand artiste” - Dédicace de Marc Chagall dans le livre d’or du Château de la Colle Noire à Montauroux…

Dans le Département du Var, sur les pas d’un grand nom de la mode française, Christian Dior ...

Le Normand devenu Provençal…

Affiche publicitaire, vers 1920 - Domaine public.

Ça pue, Dior !

Au début du siècle dernier, c’est ce que disent les habitants de Granville, qui habitent près des usines d’engrais de Maurice Dior, dont les mauvaises odeurs sont portées par les vents sur la ville. Son épouse Madeleine lui demande d’installer la famille dans une maison à l’écart de ses usines. C’est la Villa Les Rhumbs, qui abrite aujourd’hui le Musée Christian Dior. Les rhumbs, terme de marine, ce sont les huit branches de la rose des vents.

Maurice Dior finance la galerie d’art de son fils Christian, qui aimerait devenir architecte, à Paris. Les engrais Dior se vendent très bien. L’engrais Dior, c’est de l’or, dit le slogan publicitaire. La Javel Dior et la lessive Saint-Marc sont fabriquées dans les usines Dior.

Callian

Une vue du village de Callian depuis la Chapelle Saint-Barthélémy de Montauroux

1931 : Christian Dior contracte la tuberculose en raison de sa vie très démunie à Paris.

Maurice, son père, et Catherine, sa sœur, ont quitté Paris pour Granville pendant que Christian était en URSS, juste après le décès de Madeleine, le pilier de la famille, et la banqueroute paternelle, consécutive au krach boursier de 1929.

À son retour à Paris, Christian n’a plus de toit sur la tête, il passe de chambre d’amis en chambre d’amis, n’a plus un sou vaillant, et s’alimente peu. La maladie diagnostiquée, il part au sanatorium de Cambo, dans les Pyrénées, pour faire une cure de soleil et de grand air, seuls traitements alors connus. Puis il est en convalescence à Ibiza.

Quand il en revient, Maurice Dior, acculé,  a vendu la maison familiale et son jardin de roses, créé par Madeleine, où le jeune Christian a commencé à aimer les fleurs, à la Commune de Granville. Christian Dior travaille comme illustrateur de mode à Paris.

1934 : Maurice Dior achète une petite ferme à Callian, en contrebas du village, Les Naÿssées, au nom de Marthe Lefebvre, la fidèle gouvernante de la famille Dior, pour ne pas prendre le risque de se faire saisir le peu de bien qu’il lui reste. De nos jours, le Domaine Les Naysses cultive la rose centifolia et propose des maisons en location.

1940 : Après sa démobilisation, Christian Dior vient aider Catherine à Callian. Pour faire vivre la famille, le jardin ornemental des Naÿssès est arraché pour planter des haricots et des petits pois, et les vendre dans les marchés alentours.

Christian gagne un peu d’argent grâce à ses dessins publiés dans les pages féminines du quotidien Le Figaro, et grâce aux 1.000 $ reçus de son ami l’illustrateur Max Kenna, auquel il avait expédié quelques tableaux, aux USA, avant la fermeture de sa galerie parisienne.

Catherine Dior entre dans la Résistance intérieure ; très active, elle se fait prendre à Paris, en juin 1944, Place du Trocadéro par la Gestapo, peu avant la reddition du général de la garnison allemande von Scholtitz, mettant fin à quatre ans d’occupation, et elle est torturée puis déportée au camp de Ravensbrück. Après près d’un an de détention, elle en revient vivante, dans un état terrible.

Catherine Dior

Un jour, en passant devant l’Hôtel Lutetia, je me suis recueilli devant cette plaque, témoin d’une douloureuse époque.

En 1945, son frère se rend tous les jours à l’Hôtel Lutetia dans l’espoir de la voir apparaître, et le miracle se produit, elle revient. Christian a été prévenu par un coup de téléphone de l’arrivée de sa sœur, la veille de son retour, Gare de l’Est. La voyante de confiance de Christian, Madame Delahaye, lui avait prédit le retour de sa sœur. C’est elle qui va le pousser à demander de l’aide pour créer sa maison de couture…

1946 : Christian veut sa maison de couture, et il a rendez-vous avec Marcel Boussac, roi du coton. Juste avant de le rencontrer, il trouve une étoile de métal par terre, qu’il conserve comme un porte-bonheur. Marcel Boussac voulait relancer Philippe et Gaston, l’une de ses maisons, spécialiste de la fourrure. Après l’avoir visitée, Christian comprend qu’il ne pourra pas faire du neuf avec du vieux. Il expose tout cela de façon très détendue à Marcel Boussac et parle de la maison de couture qu’il voudrait avoir, sans y penser sérieusement. Quand Boussac lui fait savoir qu’il est prêt à la financer, il se tourne vers Madame Delahaye qui le convainc d’accepter l’offre, appuyée par une autre voyante, Grand’mère.

1947 : Les collections Corolle et En 8 sont présentées le 12 février au 30, avenue Montaigne à Paris. Son premier succès est fulgurant, et Carmel Snow, rédactrice en chef du magazine américain Harper’s Bazaar donne à cette collection le nom de New Look… Paris redevient la capitale mondiale de la mode, laquelle est bouleversée par le style de Christian Dior.

En même temps, selon sa formule, il souhaite « habiller les femmes d’un sillage de désir » et confie aux parfumeurs Paul Vacher et Jean Carles le soin de créer son premier parfum, inspiré de Callian, baptisé Miss Dior en l’honneur de sa sœur Catherine. Ce nouveau parfum, qui est en quelque sorte Callian dans un flacon, est diffusé sur le lieu du premier défilé. La rose y occupe une place primordiale, comme dans le parfum J’adore de Dior (1999). Son amour des roses lui vient de sa mère Madeleine, qui avait créé une roseraie dans la propriété familiale de Granville.

Christian Dior avait rencontré l’illustrateur René Gruau en 1930, quand ils travaillaient tous deux pour Le Figaro. C’est à lui que Christian Dior confie la création de ses affiches publicitaires, à partir de la sortie de Miss Dior, représentant la Parisienne Dior

Montauroux - Le Château de la Colle Noire

1951 : c’est Catherine qui lui trouve, tout près de la maison familiale, une grande propriété, un ancien relais de poste, qui tire son nom d’un épais maquis sur une colline dominant la plaine de Fayence : Christian achète le Château de la Colle Noire, le restaure, le transforme, pour y passer le plus de temps possible. Lui qui voulait être architecte supervise tous les travaux, confiés à l’architecte André Svetchine, lequel a construit de nombreuses maisons dans la région, et transformé La Colombe d’Or à Saint-Paul-de-Vence.

À l’entrée du château, il fait poser une rose des vents à huit directions, en petits galets (en calade comme on dit en Provence), comme à Saint-Paul. C’est une référence aux Rhumbs de Granville. Le 8 est son chiffre porte-bonheur.

Christian Dior aimait à se ressourcer à La Colle Noire ; il souhaitait se retirer, un jour, dans cette maison, « celle où je pourrai vivre enfin tranquille, oubliant Christian Dior pour redevenir tout simplement Christian ». 

Ci-dessous, quelques photos que j’ai prises à La Colle Noire avant le rachat de la propriété par la Maison Dior…

1956 : la fleur préférée de Dior était le muguet. C’est le parfumeur Edmond Roudnitska, après sa rencontre avec Christian Dior à la Colle Noire, qui crée le parfum soliflore Diorissimo pour les Parfums Christian Dior, après avoir créé Diorama en 1948 et Eau Fraîche en 1955, et avant de créer, en 1966, le best-seller des parfums masculins, Eau Sauvage.

René Gruau signe les affiches publicitaires des parfums Christian Dior…

Diorissimo par René Gruau, 1956.

En 1957, Christian Dior est le premier couturier à faire la une de l’hebdomadaire américain TIME © Time Magazine.

1957 : Le 24 octobre, à son arrivée à l’hôtel dans la station thermale de Montecatini Terme, près de Florence, où il venait se reposer, il meurt d’une crise cardiaque, à 52 ans. Sa voyante lui avait déconseillé de partir. Marcel Boussac envoie son avion afin de rapatrier le corps. Les obsèques ont lieu à Paris, à l’église Saint-Honoré d’Eylau, dans le 16ème Arrondissement. Le cercueil est recouvert de centaines de brins de muguet. Il y a tant de fleurs que la Maison Dior demande l’autorisation d’en déposer le surplus au pied de l’Arc de Triomphe.

© Paris Match 1957 - Photo J. Garofalo.

Le corbillard quitte la capitale pour Montauroux, où les habitants viennent se recueillir devant le cercueil à La Colle Noire. Une autre cérémonie, avant l’inhumation au cimetière de Callian, a lieu à l’église de Montauroux, en présence de nombreuses personnalités, dont Bernard Buffet, Pierre Bergé, Yves Saint-Laurent,…

Christian Dior aura eu six successeurs (collections féminines) jusqu’à nos jours : Yves Saint-Laurent (1958), Marc Bohan (1960), Gianfranco Ferré (1989), John Galliano (1996), Raf Simons (2012), et Maria Grazia Chiuri (2016). En 2025, Jonathan Anderson est nommé directeur artistique des collections femme, homme et haute couture, le premier depuis Christian Dior à travailler sur toutes les collections.

1958 : Les Éts Meilland, au Cap d’Antibes, créent la rose Christian Dior, appelée alors la plus belle rose de France.

1998 : le rosiériste britannique Harkness Roses crée la rose Miss Dior.

2008 : décès de Catherine Dior à Grasse, à l’âge de 91 ans.

2013 : la Maison Christian Dior rachète le domaine de La Colle Noire et entreprend une restauration minutieuse, en faisant appel à des spécialistes, qui commencent par rassembler le plus d’indices possibles pour que le château retrouve son aspect de 1957 : un reportage de Connaissance des arts, les archives de Christian Dior, et surtout celles de l’architecte André Svetchine, confiées par son fils Luc Svetchine, des photos, des dessins, des morceaux de tissus retrouvés dans les travaux, etc… Un lieu privé qui ne se visite pas.

2024 : Apple TV+ produit la série The New Look, qui évoque la vie de Christian Dior et de sa sœur Catherine pendant la guerre, jusqu’à la naissance du New Look… une libre interprétation des auteurs…

Montauroux - La Chapelle Saint-Barthélémy

Une vue du village de Montauroux depuis Callian.

Près de l’église paroissiale de Montauroux, un escalier conduit à la Chapelle Saint-Barthélémy.

La Chapelle Saint-Barthélémy à Montauroux.

À l’entrée de la chapelle, l’historique de la chapelle rappelle qu’elle a appartenu à Christian Dior au moment où il a acheté La Colle Noire, avant d’en faire don à la Commune, dont l’Hôtel de Ville conserve une robe de mariée de 1956.

Callian - Le cimetière

La tombe familiale de Christian Dior, reconnaissable à la grande urne, et à gauche, celle de sa sœur Catherine.

Christian Dior repose ici, près de son père Maurice Dior, décédé à Callian en 1946, de la gouvernante de la famille Marthe Lefebvre, décédée en 1985, et de la sœur de cette dernière, Marie Lefebvre, décédée en 1945.

Miss Dior repose auprès de son époux, honorés sur une plaque par les producteurs de plantes à parfum. C’est à Cannes qu’elle avait rencontré Hervé Papillault des Charbonneries, en 1941, et qu’elle était entrée dans la Résistance avec lui.

Des plaques rappellent le passé de Résistante et de Déportée de Catherine Dior, croix de guerre, croix du combattant volontaire de la Résistance, médaille de la Résistance française, et la Légion d’honneur.

Hervé Papillault des Charbonneries, Catherine Dior, Christian Dior et Marthe Lefebvre, à Callian en 1947. © collection Dior

Le Pays de Fayence, où se trouvent Montauroux et Callian, est superbe, à seulement trente minutes de Cannes. Et aller sur les pas de Christian Dior est très émouvant, quand on considère que près de 70 ans après sa disparition, il reste l’un des Français les plus connus dans le monde, du moins son nom, plus que le personnage, qui était assez secret…

Le point de vue du guide-conférencier : grâce à la société Alcyon Riviera Touring, j’ai pu mettre en œuvre un nouvel angle d’attaque pour plusieurs visites guidées sur la Riviera : les liens qu’entretenait Christian Dior avec notre destination. Outre la maison de Callian, et le château de Montauroux, j’ai pu évoquer les liens de Dior avec Cannes, Mougins, Antibes, Saint-Paul, Nice et Monaco, les symboles de sa vie, son étoile porte-bonheur, la rose des vents, les restaurants qu’il aimait fréquenter, son amitié avec les artistes, et surtout, son amour des jardins et des fleurs. Une autre manière, pour moi, de montrer la Riviera, sur les pas d’un immense créateur, l’un des meilleurs ambassadeurs de la France.

Un grand merci à ma collègue Diane Saurat-Rognoni, spécialiste, entre autres, de Christian Dior, pour son aide précieuse.

“Dior, ce génie léger propre à notre temps et dont le nom magique comporte celui de Dieu et or !” - Jean Cocteau.

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Le mystérieux visage du Normandy