Grace #1

Une évocation de cette exposition, suivie de mon expérience de guide-conférencier lorsqu’il s’agit d’évoquer la Princesse Grace de Monaco en visite guidée…

Au Palais Princier de Monaco, jusqu’au 14 septembre 2025, une belle expo, « Grace #1, un hommage intimiste et sensible à la Princesse Grace », dont l’angle d’attaque est original : loin des clichés sur papier brillant, une approche de la femme derrière l’icône, avec des accessoires, bijoux, photographies et objets personnels (chapeaux, gants, lunettes, le sac Kelly d’Hermès), le long d’un parcours s’articulant autour de quatre thèmes reflétant la richesse de la personnalité de Grace de Monaco :

  • La jeune actrice sur une plage de Jamaïque, immortalisée en 1955 pour le magazine Collier’s par le photographe new-yorkais Howell Conant, dont la photo de l’affiche de l’exposition,

  • La femme au quotidien,

  • La maman,

  • Et, enfin, la photographe et cinéaste de sa vie familiale. 

Natalia Mlodzikowska, chargée des expositions au Palais princier et commissaire de l’exposition, a fait un travail remarquable, pendant plusieurs mois, dont un mois et demi pour sélectionner les photos. La commissaire artistique invitée Marie-Ève Mestre a également apporté son concours. L’ambiance très féminine de l’exposition, ses couleurs, son ambiance sonore, une réussite innovante au Palais Princier. On imagine l’émotion des enfants et petits-enfants de la Princesse Grace découvrant cette exposition intime…

Premier moment d’émotion : le rideau de scène s’ouvre sur une photo de Grace Kelly à la Jamaïque, par Howell Conant (voir ci-après). Photo P. Borsarelli à l’expo.

Créé à partir de photos sélectionnées dans les archives palatines, dont certaines couvertures de magazines, un papier peint mural, comme une planche-contact, particulièrement réussi. Tout au long de sa vie d’actrice et de princesse, elle aura fait tant de couvertures ! Photos P. Borsarelli à l’exposition.

Photo prise à l’expo.

Un an avant le mariage princier, Grace Kelly a déjà fait la couverture de Time, et de Life. Elle a déjà posé pour le talentueux photographe de mode new-yorkais en pleine ascension, Howell Conant, quelques semaines plus tôt, pour le principal magazine de cinéma à l’époque, Photoplay, avant de recevoir l’Oscar à Hollywood.

Le père et le grand-père d’Howell étaient eux-mêmes photographes, dans le Wisconsin.

La couverture du magazine américain Photoplay, avril 1955. Le photographe a raconté que lors de la séance, Grace Kelly a pris les choses en main : “Voilà mon meilleur profil. Et maintenant éclairez comme vous savez le faire, et ce sera parfait.”

La star et le photographe se retrouvent dans l’ouest de la Jamaïque, à Montego Bay, en avril 1955, pour un reportage-photos commandé par le magazine Collier’s de Peter Collier. Peggy, la sœur de Grace, est présente et va servir d’assistante au photographe, dont le reportage va avoir beaucoup de succès : on va parler de natural glamour pour décrire les photos où la star hollywoodienne est naturelle, sans maquillage, cheveux mouillés, d’une sublime beauté.

Grace Kelly, photographiée par Howell Conant, en couverture du magazine américain Collier’s du 24 juin 1955. On va parler, et parler encore, du natural glamour de la star… Pour cette photo de légende, une idée de Grace Kelly, il y a eu huit prises, raconte le photographe, qui était debout devant elle, de l’eau jusqu’aux genoux. Tous les deux ont fait attention de ne pas marcher sur les oursins présents dans la baie !

Photos (c) Fonds Howell Conant - Bob Adelman Photos.

C’est une révolution ! Jusqu’alors, la photo d’une star hollywoodienne sur papier glacé est le stéréotype d’un fantasme inaccessible. Howell et Grace imposent ici un nouveau style de photographie. Avant elle, aucune actrice n’aurait osé poser les cheveux mouillés… Aujourd’hui, on n’imagine pas à quel point, en 1955, ces photos avaient quelque chose de totalement nouveau : elles montraient une vraie personne, faite de chair et de sang.

Le numéro de juin 1955 de Collier’s s’arrache. D’autres actrices américaines contactent le photographe afin qu’il leur consacre un reportage-photos. Howell Conant reçoit de nombreuses commandes publicitaires.

Une complicité et une amitié naissent entre Grace et Howell, qui continue à la suivre sur le tournage de son avant-dernier film (The Swan), puis au moment de ses fiançailles avec le Prince Rainier III (il est le seul photographe à avoir réalisé les photos de ses fiançailles), et il traverse l’Atlantique avec elle sur le USS Constitution jusqu’à Monaco pour son mariage. Grace est accompagnée de plus de 70 personnes (membres de la famille et amis) pour la traversée transatlantique, et Howell est le seul photographe autorisé, dans la zone autour de la cabine de la future princesse. Les autres photographes se marchent sur les pieds et doivent se contenter d’apparitions en groupes, mais pas de photos intimes comme peut les faire Howell, lequel réalise un reportage confidentiel pour Life

L’une des photos d’Howell Conant (inversée) fait la couverture de l’édition française de Vanity Fair en août 2025, preuve que Grace Kelly fascine toujours, 70 ans après. (c) Vanity Fair / Fonds Howell Conant - Bob Adelman Photos.

L’exposition présente une sélection de photos prises à la Jamaïque, dont des scènes d’intérieur, et ici, une planche-contact grand format. Photos © Fonds Howell Conant - Bob Adelman Photos (photo prise à l’exposition). Les mots d’Howell Conant : “Je n’ai jamais vu Grace plus détendue que pendant notre séjour à la Jamaïque - elle n’était plus sur la défensive, n’ayant rien à craindre de ses admirateurs, des cadres de la MGM, ni des critiques”. Source : Grace, par Howell Conant - Éditions de la Martinière.

Les mots du photographe : “Grace était si myope qu’elle ne voyait pas à trois mètres : elle suivait le son de ma voix tandis que je la “dirigeais”. Je ne cessais de lui répéter : Magnifique, magnifique, et plus l’appareil cliquetait, plus elle réagissait. Magnifique, magnifique”. Source : Grace, par Howell Conant - Éditions de la Martinière.

Une paire de gants de soirée en cuir, et le mythique sac à courroie (début des années 1950) rebaptisé sac Kelly par la Maison Hermès, et restauré par cette dernière © Archives du Palais Princier. Photo prise à l’exposition.

Grace Kelly aimait également la marque américaine de maroquinerie et accessoires Mark Cross (voir par ailleurs mon article sur Gerald Murphy), comme on peut le voir sur une photo à l’expo, prise à la descente d’un avion (elle tient un vanity case de cette marque), On la voit également avec des articles Mark Cross dans le film Rear Window (Fenêtre sur Cour) d’Alfred Hitchcock.

Howell Conant est vraiment le seul photographe à avoir photographié Grace Kelly dans des centaines de situations différentes. Une grande confiance s’était instaurée entre eux. Depuis le début, il devait lui montrer toute photo avant publication, et ne pas la photographier si elle ne le souhaitait pas.

Il reviendra chaque année à Monaco pour d’autres photos, invité par le Palais, afin de réaliser les portraits officiels de la famille princière, jusqu’à la disparition de la Princesse Grace en 1982. Lorsqu’il apprit la disparition soudaine de la Princesse, à New York, alors qu’un nouveau reportage sur Grace de Monaco était planifié, il prit le premier Concorde pour l’Europe, mais sans appareil photo…

L’exposition présente une sélection de photos très touchantes de la vie familiale de la Princesse. Photo prise à l’expo.

© DR - Archives du Palais Princier. Photo prise à l’expo.

Oliver, le caniche de Grace Kelly, offert en 1954 par son ami Cary Grant (et partenaire dans La Main au Collet d’Alfred Hitchcock) et son épouse. Oliver a accompagné sa maîtresse lors de la traversée transatlantique vers la Principauté en avril 1956 à l’occasion du mariage princier © DR - Archives du Palais Princier. Photo prise à l’expo.

Au Palais Princier, le souvenir de la Princesse Grace est présent, grâce à des portraits, bustes, médailles, et autres documents. Dans la Salle du Trône, les armoiries des familles avec lesquelles les Grimaldi ont conclu des alliances par mariage, comme ici les armes de la famille Kelly. Photo P. Borsarelli.

En Principauté, le souvenir de la Princesse Grace se retrouve à de nombreux endroits, comme ici, face au Yacht-Club de Monaco, le ponton Kelly rappelle la carrière sportive de son père, John Brendan Kelly Sr, dit Jack Kelly, qui fut triple champion olympique d’aviron. Photo P. Borsarelli.

Les Monégasques ne l’ont pas oubliée. En 2007, le Grimaldi Forum lui a consacré une extraordinaire exposition, « Les Années Grace Kelly, Princesse de Monaco ». C’est la première fois qu’une exposition était consacrée à toute la vie de la Souveraine monégasque. Ses trois enfants ont personnellement veillé à ce que le choix des objets présentés reflète fidèlement la personnalité et le rayonnement de la Princesse Grace : vêtements, objets personnels, bijoux, photos, films privés, lettres de personnalités, autant d’objets qui étaient jusqu’alors précieusement conservés au Palais Princier. Même la fameuse robe de mariée a fait le voyage de Philadelphie.

© Photo Jean-Marie Fiorucci.

J’ai eu le privilège de guider, à travers cette exposition, le public et les VIPs pendant tout l’été 2007. Et de nos jours, pour la société Alcyon Riviera Touring, basée à Monaco, il m’arrive parfois de guider des visiteurs “Sur les pas de la Princesse Grace”, une visite guidée à thème proposée par cette entreprise

En visite guidée, ce n’est pas facile d’évoquer, en toute humilité, une personne aussi rayonnante, et qui a tant marqué la Principauté, et qui est encore de nos jours une icône mondiale. Il faut le faire avec beaucoup de respect, et le guide-conférencier peut s’appuyer sur des lieux, des photos, des statues, des fleurs, le monogramme de la Princesse, ainsi que des histoires rappelant Grace de Monaco.

À Fontvieille, la Roseraie Princesse Grace abrite 8.000 rosiers de 500 variétés sur 5.000 m2. Elle a été inaugurée par le Prince Rainier III et ses enfants en 1984, deux ans après le décès de la Princesse, qui aimait tant les roses. Une statue, la représentant entourée de ses roses préférées, est l’œuvre du sculpteur Kees Verkade. La rose Grace de Monaco a été créée par les Éts Meilland à l’occasion du mariage princier de 1956.

La Princess Grace Irish Library est un lieu où le souvenir de la Princesse est omniprésent. Cette bibliothèque a pour but de mettre en valeur la culture irlandaise et en particulier la littérature. La Fondation Princesse Grace finance entièrement cette bibliothèque, riche d’environ 14.000 ouvrages, fréquentée par de nombreux étudiants : conférences, projections, expositions, lectures de pièces de théâtre, etc. La bibliothèque renferme non seulement de premières éditions d’auteurs irlandais, mais également les livres sur l’Irlande ayant appartenu à la Princesse Grace, née Kelly, qui s’intéressait beaucoup à ses origines irlandaises.

Dans les rues de la Principauté, les 25 totems du Parcours Princesse Grace, installés en 2007 à l’occasion de cette grande exposition, évoquent les 26 ans de sa vie monégasque et les actions qu’elle a entreprises.

Voici l’un des totems du Parcours Princesse Grace les plus populaires, Place d’Armes. Une photo du 4 octobre 1959 prise à la gare ferroviaire de Monaco : La Princesse Grace et son fils le Prince héréditaire Albert en partance pour Paris.

En bonus, Grace Kelly chante avec Bing Crosby dans son dernier film, High Society.

Cole Porter est l’auteur-compositeur de cette chanson célèbre. Le Prince Rainier III assiste au tournage, qui se termine le 6 mars 1956, sur les plateaux de Hollywood. Quelle manière brillante de quitter le monde du cinéma, avec un film musical aussi réussi, traitant de la « haute société » de Philadelphie dont elle est elle-même issue !

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