Au Palais Princier, Elisabeth Vigée-Lebrun

Palais de Monaco, Cabinet Valentinois. Crédit photo : P. Borsarelli.

Pour moi, elle incarne le raffinement du 18ème siècle français, et elle est la peintre de la tendresse maternelle.

Née à Paris en 1755, son père Louis Vigée était portraitiste, et sa mère, Jeanne Maissin, coiffeuse. Elle épouse, à 21 ans, Jean-Baptiste-Pierre Le Brun, peintre et marchand d’art. Ils auront une fille, Jeanne Julie Le Brun, mais le mariage sera malheureux.

Aujourd’hui, son autoportrait au chapeau de paille fait la fierté de la National Gallery de Londres.  Les pinceaux et la palette à la main, elle vous séduit par son regard, et son naturel, à 27 ans. Photo Domaine Public.

Admiratrice de Rubens, célébrée de son vivant, elle fut LA peintre de la reine Marie-Antoinette, dès 1778, lorsqu’elle fut appelée au château de Versailles pour réaliser le premier portrait de la reine d’après nature.

Elle souhaitait entrer depuis longtemps à l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture, dirigée par des hommes : comment ? Une femme peintre ? Non ! En plus, son mari est marchand d’art ! en 1783, la reine, avec laquelle Elisabeth s’était liée d’amitié, intervient pour qu’elle soit acceptée au sein de l’institution.

Autoportrait avec sa fille Julie, 1786, Musée du Louvre. Photo : Domaine public.

L’artiste a provoqué plusieurs scandales, en exposant neuf fois au salon officiel. Par exemple, deux ans avant le début de la Révolution française, son autoportrait avec de sa fille Julie (ci-dessus) provoque la critique, car la peintre se représente en train de sourire… À l’époque, sur un portrait, on ne montre pas ses dents, sauf si l’on représente les classes inférieures de la société, ou si l’on est ivre…. Mais la peintre est très populaire, et les aristocrates l’adorent.

Quand la Révolution éclate, elle quitte la France, avec Julie, et parcourt l’Europe, pendant douze ans, où les cours royales l’accueillent et lui commandent des œuvres. Elle peint des comtesses, des duchesses, des princesses, des reines, des impératrices, des tsars…

Ce portrait de la Comtesse Catherine Vassilevnia Skavronskaïa (1790), dame d’honneur de l’Impératrice Catherine II de Russie, ode à la beauté féminine, est l’une des pépites du Musée Jacquemart-André, boulevard Haussmann à Paris. Je l’ai photographié car il me semble bien correspondre à cette époque où la peintre reçoit de nombreuses commandes. Elle se trouvait à Naples quand elle réalisa ce portrait, à la demande du Comte Skavronsky, ambassadeur de Russie en poste dans la cité napolitaine, et qui souhaitait un portrait de son épouse. Quelques années plus tard, en 1796, elle réalisa un second portrait de cette comtesse, à Saint-Pétersbourg, qui fait partie des collections du Louvre.

Revenue à Paris en 1802, elle continue à rendre visite aux monarchies européennes, et son succès ne se dément pas. Elle meurt à 86 ans, en 1842, après avoir rédigé ses mémoires.

Elisabeth Vigée-Lebrun est l’une des plus grandes portraitistes de la fin du 18ème et du début du 19ème siècle, une femme belle et indépendante. Une des rares femmes à s’être imposée dans le monde de l’art à son époque, et la première peintre française à avoir acquis une réputation internationale.

Portrait de Muhammad Dervish Khan, 1788 © Sotheby’s.

Mis sur le marché de l’art, un tableau d’Élisabeth Vigée Le Brun peut atteindre un prix très élevé ; ainsi, en 2019, Sotheby’s a vendu pour 6,25 M€ son Portrait de Muhammad Dervish Khan… l’ambassadeur de l’Inde venu à Paris en 1788 afin de demander, en vain, le soutien des Français contre les Anglais dans son pays. Ce refus a eu les conséquences que l’on connaît : dans les décennies suivantes, les Britanniques ont fait de l’Inde une colonie, jusqu’en 1947…

Le Grand Palais lui a consacré une rétrospective en 2015 et le Metropolitan Museum l’année suivante. Ce grand musée new-yorkais possède plusieurs de ses œuvres, tout comme le Louvre, le musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg et la National Gallery de Washington, D.C. Les experts ont recensé environ 850 paysages (peu) et portraits (beaucoup) d’Elisabeth Vigée Le Brun.

Palais de Monaco, Cabinet Valentinois. Crédit photo : P. Borsarelli.

Le Palais princier de Monaco a été entièrement pillé à la Révolution française. Le Prince Albert II souhaite lui redonner tout le lustre qu’il avait avant cette période de troubles. Des enquêtes sont menées, à la recherche d’œuvres d’art susceptibles de réapparaître dans le marché de l’art international, dans le but de reconstituer les collections.

Récente acquisition, ce portrait d’une comtesse hongroise, réalisé par Elisabeth Vigée Lebrun, illumine l’un des salons. Une vraie pépite !

Palais de Monaco, Cabinet Valentinois. Crédit photo : P. Borsarelli.

Ce portrait néo-classique, aux couleurs magnifiques, a trouvé son écrin dans le Cabinet Valentinois, qui après rénovation, offre un panorama de l’art du 18ème siècle, et rend hommage au duché de Valentinois (la région de Valence) en présentant des meubles provenant de la galerie Kraemer à Paris, en particulier six chaises en acajou créées par Georges Jacob, l’un des plus grands ébénistes du règne de Louis XVI. L’influence des découvertes de Pompei et Herculanum est là, on se croirait dans un tableau de David !

« Je n’ai jamais voulu devoir qu’à ma palette ma réputation et ma fortune. » Elisabeth Vigée-Lebrun.


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