Les secrets de Nélie
Musée Jacquemart-André, Paris
Côté Boulevard Haussmann, l’hôtel particulier est en retrait. Visite en août 2025.
Une belle surprise à découvrir en seconde partie de cet article…
Si vous souhaitez un jour découvrir les fastes de Paris au 19ème siècle, dans une demeure de grands bourgeois, ce musée est pour vous, dans le 8ème Arrondissement. On est dans le nouveau Paris d’Haussmann, et c’est un couple de collectionneurs d’art qui se fait construire cette résidence à partir de 1869, un an avant la fin du Second Empire. Le boulevard Haussmann vient d’être tracé et l’architecte Henri Parent, qui a perdu le concours pour construire l’Opéra de Paris, se surpasse. La construction se poursuit jusqu’en 1876, et l’hôtel est inauguré avec faste, en présence du Tout-Paris.
L’entrée principale, dans la cour à carrosses
Édouard André, né en 1833 dans une famille de riches banquiers, protestants et bonapartistes, originaires de Nîmes, hérite de l’une des plus grandes fortunes du Second Empire. En 1872, il commande son portrait à une jeune peintre à succès, Nélie Jacquemart, Cornélie de son vrai prénom, née en 1841 à Paris. C’est elle également qui réalise le buste ci-dessus. Le portrait ci-dessus représente Nélie, en 1899, par Antoine-Ernest Hébert.
IIs se marient en 1881 mais, sans enfant, ils se consacrent à leur passion, l’art. Édouard André meurt en 1894, à 60 ans, Nélie est désemparée. À son décès elle lègue l’hôtel particulier et les collections à l’Institut de France (1913), en précisant l’emplacement de chaque œuvre et les conditions d’ouverture au public…
Édouard André et Nélie Jacquemart se passionnaient pour la peinture du 18ème siècle. Dans leurs salons, ils ont donné des fêtes somptueuses, jusqu’à mille invités. C’était the place to be, dans un décor très théâtral.
Le grand salon semi-circulaire, ci-dessus, est pensé 18ème siècle, avec ses courbes et ses bustes en marbre, comme celui de l’architecte Jacques V Gabriel (1711), par le plus grand sculpteur de la fin du règne de Louis XIV, Antoine Coysevox, connu pour la vie qu’il donnait à ses œuvres, comme ici les mèches de la perruque. L’architecte représenté a construit plusieurs hôtels particuliers sur la Place Vendôme. Son fils l’a longtemps éclipsé, Ange-Jacques Gabriel, l’un des architectes du château de Versailles.
Le jardin d’hiver, une idée anglaise, éclairé par une verrière, évoque l’art de recevoir sous Napoléon III. Du marbre, des miroirs, des plantes, et un grand escalier d’honneur à double révolution orné de sculptures, la prouesse architecturale de ce palais, d’une grande légèreté, alors qu’il est fait de bronze, de fer, de marbre et de pierre… On se demande comment il tient.
La réception d’Henri III à la villa Contarini, Giambattista Tiepolo, 1745.
Tout en haut de l’escalier, le couple avait acquis, en 1893, une grande fresque marouflée (7x4m) de Giambattista Tiepolo, le peintre vénitien, réalisée vers 1745 dans une villa près de Padoue. Le roi de France Henri III (Italien par sa mère Catherine de Médicis) est reçu à Venise par le doge Contarini. On peut dire que le couple lui a trouvé sa place, après de nombreuses difficultés pour la détacher de son emplacement d’origine, la transporter et la remonter à Paris : cela a duré 8 mois, jusqu’au début de 1894 ! C’est le mécénat des assurances Generali, en 1998, qui a permis la restauration de cette œuvre murale, mettant en valeur les effets de trompe-l’œil, la mise en scène et les couleurs.
C’est dans le boudoir que se trouve la pépite du musée, le portrait de la Comtesse Skavronskaïa, par Elisabeth Vigée Lebrun (voir mon article au sujet de cette grande artiste-peintre).
Autre portrait célèbre, celui de Mathilde de Canisy, marquise d’Antin, à l’âge de 14 ans (1738), par Jean-Marc Nattier, peintre très apprécié par Marie Leszczynska, épouse de Louis XV. Un des chouchous du musée.
À l’étage, de nombreuses œuvres d’art italiennes, une sorte de jardin secret que le couple ne montrait pas à tous les invités. Il se rendait chaque année en Italie pour acheter de l’art de la Renaissance, en particulier à Florence, une passion commune. Ici une vierge à l’enfant (1470) de Sandro Botticelli, dont la restauration en 1995 a fait ressortir le voile et les mèches de cheveux. Quand Nélie l’a acheté à Florence, le tableau était attribyé à Andrea Verrocchio, avant de l’être à Botticelli, alors jeune peintre dans son atelier florentin.
Les secrets de Nélie
Quelle belle façon de visiter ce musée lors d’une visite théâtralisée immersive !
On se retrouve avec Nélie Jacquemart et ses domestiques, en plein 19ème siècle, et on parcourt avec eux l’hôtel particulier et ses trésors.
Une pièce de théâtre en déambulation, en costumes de cette époque. Les acteurs ont du talent, un vrai plaisir.
Crédit Photos : P. Borsarelli