La basilique du céphalophore
Cathédrale Saint-Denis
Généralement, ce n’est pas l’endroit que l’on visite en priorité quand on est de passage dans la capitale. Et pourtant ! La basilique cathédrale de Saint-Denis (93) est unique : la nécropole des rois de France ! Mais pourquoi n’y suis-je jamais allé avant ? C’est exceptionnel !
Martyrisé vers l’an 250, le premier évêque de Paris fut inhumé sur ce site : Saint-Denis.
J’ai pris cette photo au Panthéon. Cette scène, peinte dans le dernier quart du 19ème siècle, par Joseph-Florentin-Léon Bonnat, représente la mort du premier évêque de Paris, qui vient d’être décapité sur les marches d’un temple antique, et qui ramasse sa propre tête entre ses deux mains. Le bourreau, pétrifié, en lâche sa hache ! Un ange émerge des nuages pour remettre à saint Denis les symboles du martyre que sont la palme et la couronne de laurier. On compte environ 120 saints céphalophores, c’est-à-dire qu’ils portent leur tête, comme Saint-Mitre, dont on peut voir la statue à la cathédrale Saint-Sauveur à Aix-en-Provence…
Au Moyen Âge ce fut une importante abbaye bénédictine et, dès le 6ème siècle, depuis Dagobert, jusqu’à Louis XVIII, les rois et reines de France y sont enterrés. En tout, 42 rois, 32 reines, 63 princes et princesses et dix grands du royaume.
Au 12ème siècle, l’abbé Suger faire reconstruire l’abbaye dans le style gothique de l’époque, dit premier art gothique, que l’on appelait art français à l’époque de la construction. C’est l’une des premières applications de la voûte sur croisée d’ogives, permettant d’ajourer les murs et de faire entrer la lumière à travers les grandes verrières. Au siècle suivant c’est Saint-Louis qui lui donne son aspect actuel, ainsi que les restaurations du 19ème siècle, notamment celle de Viollet-le-Duc.
Quelle est la différence entre une abbaye, une basilique et une cathédrale ? L’abbaye désigne un monastère dirigé par un abbé ou une abbesse. La basilique s’inspire des édifices civils romains, avec un plafond de bois et des colonnes. Par extension, le terme est donné aux églises de pèlerinage et à celles qui contiennent des reliques. La cathédrale est l’église principale d’un diocèse où se trouve le siège (cathedra) de l’évêque. L’église de Saint-Denis est à la fois cathédrale et basilique.
Âmes sensibles, passez au paragraphe suivant sans lire celui-ci. Je vous aurai prévenus !
Les tombes royales ont été profanées en août puis en octobre 1793 par les révolutionnaires, afin de récupérer le plomb des cercueils (nécessaire à la fabrication de canons et de balles) et détruire tout symbole de la royauté. Dans le caveau des Bourbons, on exhibe le corps d’Henri IV (cénotaphe ci-dessus), et comme il est bien conservé, on aurait peut-être fait un moulage de son visage. Puis c’est au tour de Marie de Médicis, de Louis XIII (reconnu grâce à sa moustache), et de Louis XIV (dont le corps était entièrement noir comme de l’encre, selon les rapports). Certains corps sont en putréfaction, ou liquéfiés, ou réduits en poussière (comme celui de Louis XV, mort de la variole, et que l’on n’avait pas embaumé), d’autres sont bien conservés. L’odeur est atroce. En public, on balance les dépouilles dans une fosse commune à proximité. Les amateurs de souvenirs, désireux de conserver ou vendre des reliques royales, repartent avec une dent, un ongle, une touffe de cheveux…
Heureusement que la majeure partie des grands tombeaux sculptés n’a pas été détruite pendant la période révolutionnaire…
Parmi les tombeaux impressionnants, en marbre blanc et noir, installé au milieu du 16ème siècle, celui de François Ier, sa première épouse Claude de France et trois de leurs enfants, de style Renaissance. Le monument s’inspire d’un arc de triomphe romain. Le bas-relief est un hommage à la victoire de François Ier à Marignan, près de Milan, en 1515. Et une grande urne en marbre (1556), ornée de la salamandre (symbole de courage et d’éternité), contient le cœur du roi.
Louis XII et Anne de Bretagne sont représentés morts, nus et décharnés à l’intérieur du tombeau en marbre de Carrare, et vivants et en prière sur la partie supérieure.
Autre must, le tombeau d’Henri II et de Catherine de Médicis, terminé en 1573, en marbre de différentes couleurs, comme un temple antique, entouré de quatre grandes vertus de bronze : la justice, la prudence, la force et la tempérance, quatre qualités nécessaires au roi pour bien gouverner.
Dans la crypte, dans une urne, le cœur de Louis XVII. Second fils de Louis XVI et Marie-Antoinette, il est devenu Louis XVII en 1793, légitimé par les cours d’Europe, jusqu’à sa mort deux ans plus tard, à l’âge de dix ans, de la tuberculose. Son frère aîné était mort peu avant la Révolution. C’est seulement en 2004 que l’association Mémorial de France (qui perpétue la mémoire du couple décapité) a placé ici ce cœur, qui aurait été prélevé en secret au décès de l’enfant par le chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu. Placé dans un vase de cristal, il s’est desséché avec l’évaporation de l’alcool dans lequel on l’avait placé…
Dans la crypte, toujours, l’aménagement de la Chapelle des Bourbons date du 19ème siècle. Elle contient les restes de Louis XVI et Marie-Antoinette ainsi que les cénotaphes (cercueils sans corps) de plusieurs souverains, réalisés au 19ème siècle. Les dalles de marbre noir datent de 1975.
La crypte archéologique, la partie romane de l’édifice, contient des sarcophages anciens et une fosse à l’emplacement de la tombe de saint Denis.
Une autre œuvre ne laisse pas indifférent, les statues de Louis XVI et Marie-Antoinette, en train de prier (des orants) commandées par Louis XVIII en 1815, et achevées vers 1830, pour célébrer le retour des Bourbons sur le trône de France. Le roi porte le costume de son sacre, et la reine porte une robe d’inspiration Premier Empire.
Les vitraux du déambulatoire ont été restaurés en 2022-2023. Pour la plupart, ce sont des créations commandées par les architectes du 19ème siècle qui ont restauré les lieux, car les Révolutionnaires avaient fait fondre les verrières afin d’en récupérer le plomb. On y raconte la légende de Saint-Denis et l’histoire de la basilique. Un véritable écrin de lumière…